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Combien

La becquee

Ta gueule

Je renais, demain

On se rencontre

Le génie

Du temps où t'étais belle

Une mort lente

COMBIEN

 

Combien de meurtrissures et combien de mensonges ?
Combien de coups en douce et combien de fissures ?
Combien de femmes en pleurs, combien de coups d'éclat ?
Combien d'éclats de voix, et puis combien de heurts ?

 

Combien de chaînes encore, combien de coups portés ?
Combien de coups du sort, combien ? Combien de plaies ?
Combien d'hommes à l'écart, combien de mots voilés ?
Combien d'ans de silence ? Combien, combien encore ?

 

Combien de morts ? Et puis combien d'amour froissé ?

Combien de photos déchirées pour oublier ?

Combien de comprimés pour des nuits sans sommeil ?

Combien de vérités tuées ? Combien de veilles ?

 

Combien de bleus et combien d'hématomes ?

Combien de cicatrices, combien de vies volées ?

Combien de mots sanguins pour une soumission ?

Combien d'humiliations ? Combien de négations ?

 

Je ne sais pas combien, et je sais le silence.

Je sais les ans passés à guérir la violence.

Je ne sais pas combien, je sais la solitude,

Je sais la guérison mais sans la certitude.

 

 

 

LA BECQUEE

 

Penser à changer les balais des essuie-glaces.

Penser à payer le dentiste.

Penser à lire le Code Civil.

Penser à chercher la définition du mot « orchidoclaste ».

Penser à suivre la piste.

Penser à acheter des piles.

Penser à sortir la tête de l’eau.

Penser à faire vacciner le chat.

Penser à sortir les poubelles. Le jeudi. Non, le vendredi. Non, le jeudi. Merde.

Penser à ce qui viendra.

Penser à ne plus de dire de gros mots devant les enfants.

Penser à prendre l’air.

Penser à acheter du sel.

Penser à regarder le ciel. La nuit. Quand il est clair et que les étoiles nous appellent.

Penser à faire la poussière.

Penser à voter.

Penser à poster la lettre au Père Noël.

Penser à se coucher tôt.

Penser à sortir la viande du congélateur.

Penser à arrêter de fumer.

Penser à sa santé.

Penser à la facture d’eau.

Penser à éteindre les radiateurs.

Penser à partir à l’heure.

Penser à ôter l’étiquette.

Penser à fumer la moquette. Non. Penser à prendre du Xanax.

Penser à éviter l’impasse. Penser aux limitations de vitesse.

Penser à noyer sa tristesse. Surtout celle qu’on n’explique pas.

Penser à rapiécer les vêtements troués.

Penser à prendre sur soi.

Penser à marcher dans la neige.

Penser à réparer le toit.

Penser à se retrouver.

Penser à perdre son chemin.

Penser à moi.

Ne plus penser à rien.

 

Laisser venir le vide et fumer les étoiles. Sortir la tête de la neige et vacciner le Père Noël. Mettre des gros mots dans le Code Civil. Jeter la lettre à la poubelle. Se perdre dans l’impasse et y manger des piles de sel pour assécher la tristesse. Du coup, partir en retard, la bouche pleine de cristal et de la fumée d’étoiles dans les narines. Et dans la tête, rien. Seulement le vide qui attend qu’on vienne lui donner la becquée.

 

 

 

TA GUEULE

 

Ta gueule de fils à père

En photo sur le mur

Et ce regard amer

Qui rappelle aux injures

 

Ta gueule au dessus d’moi

Quand le corps entreprend

De dessiner des murs

Autour de nos émois

 

Ta p’tite gueule de travers

Quand tu trembles la nuit

Quand j’ai le cœur par terre

Quand ton cerveau s’enfuit

 

Ta gueule de poète

Quand tu caresses la lune

Quand tout ce que tu souhaites

Se cache dans mes plumes

 

Ta gueule d’enfant sage

Quand ton monde est tout moche

Quand tu tournes mes pages

Et que tu t’y accroches

 

Ta gueule de polisson

Quand j’ai rien sous ma jupe

Et que t’es comme un con

Parce je suis pas dupe

 

Ta gueule de travers

Qui vomit du silence

Et qui m’fait la misère

Quand t’as plus aucun sens

 

Ta gueule de tout-puissant

Quand tu marches sur moi

Piquant les mots du vent

Pour souffler sur ta proie

 

Ta gueule d’imbécile

Quand tu te crois vainqueur

Et quand sous ta faucille

Se disloquent nos cœurs

 

Ta gueule qui se cherche

Dans l’œil du projecteur

Quand l’égo devient rêche

Pour aspirer ses peurs

 

Ta gueule sans éclat

Ridé par la rigueur

Façonné par la loi

Du Talion et d’un leurre

 

Ta petite gueule d’amour

Et tes yeux de pleine mer

Qui m’observent toujours

Comme un juge sévère

 

Ta petite gueule, tu vois

Elle se colle à mes heures

Et même que sans toi

La vie, j’en ai plus peur

 

Ta petite gueule, mon cœur

Je l’imagine encore

Même si je n’ai plus l’heur

De te plaire assez fort

 

Ta gueule de fils à père

Ta gueule au dessus d’moi

Ta gueule de misère

Ta gueule qui revient pas

 

J’en crève quand je jouis

J’en rêve quand je meurs

Ta gueule d’amoureux

Quand les heures étaient bleues

 

Ta gueule sur la photo

Qui ralenti mon cri

Parce que c’était trop tôt

Pour la néoménie

 

 

JE RENAIS, DEMAIN

 

Tout est blanc, savez-vous ?

La promesse des demains a fait tomber sa laine sur les volcans patients.

Mille ans qu'ils s'ensommeillent, les volcans, savez-vous ?

Mille ans qu'ils me réveillent, et me tuent lentement.

Mes hiers me l'ont dit que les demains existent. Je renais chaque fois, je reneige en silence.

Dans mon sang trop brûlant la lave se réjouit. L'hiver m'est apparu et j'ai le coeur qui danse.

 

Savez-vous cet écho que feutrent les absences ? Savez-vous ce manteau qui recouvre l'oubli ?

Vous savez tout cela, et vous me l'avez dit. Vous avez dans la voix les mots du firmament.

Vos émois en musique et les bruits du dedans qui jaillissent soudain, vous êtes un volcan.

Et moi je suis la neige, les flocons de l'oubli, les hiers qui se fondent, les demains qui sourient.

 

Je renais, savez-vous ? Et je renais de vous, de vos chants calmes et fous qui embrassent mes ombres.

La poésie éclate et me perce en dedans, et je vous reconnais, étincelant et sombre.

Tout est blanc, savez-vous ? L'attente, et le silence, et la peur qui s'ignore s'éteint dans les flocons.

La promesse est venue cette nuit après vous, les demains désormais justifient nos passions.

 

 

 

ON SE RENCONTRE

 

On se rencontre, on se frôle, un battement d’aile, une épaule,

On se sourit, on se ment, on se voit fort, beau et grand

On s’observe, on se cherche, on s’évite, on s’éprend

On s’agite, on se berce, on se regarde, on se comprend

On se séduit, on se cache sous des éclats, des diamants

On n’ose pas, puis on ose, on s’égare sous le rose

On s’avance, on se caresse, on s’élance, on se teste

On s’embrasse, on s’embrase, on s’éveille, on se baise

On s’aime, on se promet, on se colle,

On se soumet, on s’adore, on s’envole,

On se découvre, on se dénude, on s’ouvre grand

On s’étend, on s’entend, on se libère, on se dévoile

On se révèle, on se parleOn se dit, on se lit, on s’affirme

On se défait doucement par un fil

On danse, on voltige, on trébuche,

On s’imagine, on se voudrait sans embûche,

On se crie, on se délie, on s’isole

On s’aime encore, on se rêve, on s’en sort

On tombe encore, on se brise, on se blesse

On s’ignore, on se délite, on se délaisse

On se retrouve seul comme un con sur le versant de sa paresse

On se déteste

 

 

 

LE GENIE

 

Il y a dans tes yeux la beauté

Qui nous allume

Et des morceaux de Lune

 

Il y a dans tes mots la clarté

Qui nous présume

Dénude l’amertume

 

Refrain :

Il y a sur le pas de ta porte

Des petits tas de toutes sortes

Et c’est le notre amour qui l’emporte

Soufflant fort sur les feuilles mortes

Un génie à nous en quelque sorte

 

Il y a dans tes gestes une ivresse

Loin des promesses

Qui maquillent le monde

 

Il y a sur la fleur de ta bouche

Un oiseau-mouche

C’est le désir qui monte

 

Refrain :

Il y a sur le pas de ta porte

Des petits tas de toutes sortes

Et c’est notre amour qui l’emporte

Soufflant fort sur les feuilles mortes

Un génie à nous en quelque sorte

 

Il y a sur le pas de ta porte

Des petits tas de toute sorte

Et c’est notre amour qui l’emporte

Soufflant fort

Sur le petit tas devant ta porte

Et sur les feuilles mortes

 

 

 

DU TEMPS OU T'ETAIS BELLE

 

Une mère de culpabilité. Rampante. Rongeante. Dérangeante.

Au fond un vase clos. Surtout ne pas déranger.

De sables mouvants en syphons, la mer de culpabilité.

Un océan déchaîné. Enchaîné à nos peurs chevillées. A nos corps défendants.

Chahutés par l’amer de la culpabilité.

 

Putain de sale temps. Une dépression, après le vent.

Et les enfants qui crient tout le temps.

Maman. Maman. Maman.

 

Du temps.

Du temps à en crever.

Du temps où nous étions assis sur les genoux de nos parents.

Une mère de verres vidés.

Tu te souviens du flou, des vagues et des remous.

Tu te souviens de tout, l’amertume et l’écume, des stigmates en dedans.

Elle s’en fout.

 

Putain de temps pressé.

Maman, tu viens jouer ?

Maman, tu m’entends ?

Maman, pourquoi tu pleures ?

Maman, c’est quoi le temps ?

 

Le temps, c’est l’ennemi. C’est la carte à jouer.

A jouer à faire semblant. Faire semblant d’être grand.

 

Maman, t’es la plus belle.

Maman, pourquoi tu pars ?

 

Maman, elle a pas le cœur à jouer, le temps lui a volé ses ailes. Une mère de culpabilité à engloutir les étincelles.

 

Mais demain c’est les grandes marées. Le temps, je lui mettrai sa race. On prendra la vie par devant. Les cœurs au chaud, chacun sa place. Je vous en donnerai du temps, à en étirer les journées.

 

Demain, demain, mes chers enfants.Aujourd’hui ma joie s’est noyée.

 

 

 

UNE MORT LENTE

 

Je veux une mort lente, une lame intrépide, quelques piques ardentes pour dessiner mes rides,

Je veux une mort lente, une phrase assassine, des frustrations démentes, le silence qui mine,

Je veux une mort lente qui enfle dans mes veines, une mort asphyxiante et peut-être malsaine,

Je veux une mort lente, une contradiction, une fin décadente allumée de passion,

 

Je veux une mort lente, une mort consciente pour ne pas oublier de la vie l'affliction,

Je veux une mort lente, douloureuse, oppressante, une mort torturée, une mort affigeante,

Je veux une mort vive à l'image du monde, à l'image des fleuves, théâtrale et sanglante,

Je veux une mort lente pour me sentir en vie, pour me sentir aimée, une mort flamboyante.

 

© Emilie Gandois

 

 

 

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